Instantanés
Un matin, elle m'en a parlé sur le chemin de l'école. Dans la journée, j'ai reçu son mail avec ce texte tiré de son livre de chevet du moment Nulle part de Yasmine Reza, impossible de garder ce trésor pour elle. Dans ce petit livre gorgé de vie, l'intensité de quelques secondes, le présent suspendu, ces moments indiscibles partagés avec nos enfants.
Nathan. "A l'instant où je sors, je le vois apparaître au bout de la rue. Il
revient de chez le coiffeur avec C. Lorsqu'il me reconnaît (il est myope), il
se met à courir comme un fou sur le trottoir. Moi je pose mon sac par terre,
j'ouvre grand les bras et j'attends qu'il se jette dedans. Pendant les mètres
qui nous séparent et nous rapprochent, je vois son petit visage enivré, ses
dents trop en avant offertes de joie, l'éclat magique de ses yeux, je vois les
cheveux coupés et les oreilles d'habitude cachées. Lui aussi écarte les bras. Je
l'emprisonne au vol, nous tournons, je tourne autant que je peux pour lui faire
plaisir. Je dis montre comme tu es beau. Il n'est pas sûr d'être beau. Il s'en
fout. Tournons mon amour. Un jour, je ne pourrai plus tourner, ni t'avoir dans
mes bras, bientôt tu seras trop lourd, trop grand, et tu ne courras plus depuis
les lointains pour te jeter dans mon cou, mes bras et mes baisers."